TRAVERSÉES
Julia, dans sa longue vie de voyageuse a traversé beaucoup de terres étrangères
(africaines et indiennes en particulier, comme on le voit ici).
Elle s’est laissée traverser par des peuples, des civilisations, des mythologies, elle a pris le temps de s’arrêter, d’observer, d’étudier, de comprendre.
Julia savait-elle, en utilisant pour son travail de peinture une «toile de protection des plantes pour l’hivernage, à 3€ le mètre »… qu’une traversée n’est pas seulement un voyage outre mer, qu’il est aussi, selon le dictionnaire Littré, une « sorte de toile fine mais commune » : Pour ces voyageurs sans bagages, pour ces hommes et ces femmes apparemment ordinaires, une toile brute…
Julia nous invite ici à voir des traversées qui risquent à tout moment d’aller de travers : vous devinerez que ce jeune homme dans un bateau peut ne jamais arriver à bon port, que cette femme qui marche avec détermination peut tomber, que ces hommes et ces femmes qui rêvent d’autre terres, d’autres cieux n’y auront jamais accès.
Nous spectateurs, qu’allons-nous traverser en parcourant cette exposition ?
des horizons bornés, des terres arides, des visages mélancoliques,
mais aussi des espoirs fous et des rêves flous où ciel et mer se confondent.
Grâce à la force de ces images, nous allons aussi pouvoir passer outre-toile, percevoir des vies tragiques qui se sont mal tissées, comprendre qu’une traversée est l’abandon d’une part de soi, le dépouillement extrême, un exil.
Et peut-être allons-nous traverser nos zones d’aridité, d’indifférence et d’imperméabilité pour comprendre la force de ces hommes et femmes en partance, pour accéder à leur territoire intime, à leur vérité…